Page:Sand - Adriani.djvu/125

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un chanteur de quelque mérite, qui disait sa propre musique, et dont les compositions vous avaient paru belles. C’était un souvenir, qui, chez vous, datait d’avant vos chagrins. Je vous ai questionnée sur son compte, feignant de ne pas le connaître, afin de savoir ce que vous pensiez de lui. Vous ne l’aviez jamais vu, disiez-vous, parce que, à l’époque où il commença à faire un peu de bruit, vous veniez de quitter Paris pour vivre en Provence. Vous aviez su qu’il était parti peu de temps après pour la Russie ; et puis, le malheur vous ayant frappée, vous aviez perdu la trace de ses pas et le souvenir de son existence ; mais vous disiez que vous aviez quelquefois chanté ou lu ses compositions dans ces derniers temps, et que vous trouviez, dans ce que je vous avais chanté, le même jour, des formes qui vous rappelaient sa manière,

» Vous m’avez dit encore :

» — Je n’ai guère l’espérance de jamais l’entendre. S’il revient en France (il y est peut-être maintenant), ce n’est pas un homme à courir la province, et on ne le verra jamais sur aucun théâtre. On m’a dit qu’il avait de quoi vivre chétivement sans se vendre au public et qu’il ne chantait que pour des salons amis, pour un auditoire d’élite, sans accepter aucune rétribution. On n’osait même pas lui en proposer une, à moins que ce ne fût pour les pauvres. Il a conservé l’indépendance d’un