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Page:Sand - Antonia.djvu/104

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préparer à la visite qu’il attendait. Madame Thierry fit contre fortune bon cœur ; mais elle eut à peine salué M. Antoine, qu’elle monta dans sa chambre sous le premier prétexte venu, et s’y tint renfermée, ne pouvant prendre sur elle d’affronter la présence de cet antipathique personnage. Antoine, qui ne l’avait pas vue depuis une trentaine d’années, ne la reconnut pas tout de suite, et n’eut pas la présence d’esprit de s’en excuser. Il était venu à pied à travers son enclos, dont une porte de service donnait sur la rue de Babylone, tout près du pavillon. Ne se fiant qu’à lui-même du soin de toucher à son lis panaché, il l’avait apporté lui-même. Il le déposa lui-même sur la table du petit atelier. Il enleva lui-même le vaste cornet de papier blanc qui le protégeait, et, quand il vit l’artiste à l’œuvre, il prit une gazette que madame d’Estrelle envoyait tous les matins à madame Thierry, et s’assoupit dans un coin de l’atelier.

Julien attendait Marcel, qui lui avait promis d’essayer le rapprochement provoqué par lui ; mais Marcel, retenu par une affaire imprévue, n’arrivait pas. Madame Thierry ne descendait pas. Julien sentait qu’il ne pouvait rompre la glace sans l’initiative de son cousin ; il ne disait mot, travaillait, faisait de son mieux, et pensait à Julie.

L’oncle Antoine ne dormait que d’un œil. Il se sentait ému, contraint, agité dans la demeure de celle qu’il haïssait, et en vue de l’hôtel d’Estrelle, où sa nouvelle fantaisie s’était logée. Il se leva, marcha en