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Page:Sand - Antonia.djvu/122

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— Vous voulez ? dit Julien éperdu.

Et, comme il y avait une autre toile blanche placée derrière son tableau, il dessina et peignit avec ardeur, avec furia la délicate et charmante main de madame d’Estrelle. Le lis n’avançait pas. Il posait là pour rien à l’insu de Julie, en attendant qu’il penchât sa tête altière pour ne plus la relever.

Ô oncle Antoine, où étais-tu pendant qu’un pareil forfait se commettait sans remords et sans terreur sous l’œil de la Providence endormie ou malicieuse ?

Un bruit qui se fit dans l’escalier rappela Julie à elle-même ; c’était Marcel qui descendait pour dire à Julien que sa mère consentait à revoir M. Thierry lorsqu’il rentrerait. Madame d’Estrelle, honteuse d’être surprise dans ce tête-à-tête et dans cette intimité inouïe avec l’artiste, planta précipitamment la tige de l’Antonia dans la terre légère et mouillée du vase. L’Antonia ne parut s’être aperçue de rien et continua d’être belle et fraîche. Marcel entra et ne prit nullement garde à la catastrophe.

Il avait bien assez à s’étonner de la présence de la comtesse. Celle-ci se sentait très-honteuse devant lui, et Julien s’en aperçut. Aussitôt il surmonta virilement toute émotion, et, avec un sang-froid imperturbable, il annonça à Marcel que madame la comtesse venait d’entrer et qu’elle désirait parler à sa mère. En même temps, il avançait un fauteuil à Julie, comme si elle ne se fût pas encore assise, et il sortait pour avertir