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Page:Sand - Antonia.djvu/131

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— C’est toi, mère, qui n’es pas raisonnable, s’écria Julien avec vivacité. Vraiment je ne te comprends pas aujourd’hui ! Tu es trop émue ; tes paroles trahissent tes pensées… Il semble qu’au lieu de remercier madame d’Estrelle, tu lui fasses part de je ne sais quels rêves…

Julien grondait sa mère, qui se reprenait à pleurer. Marcel, voyant la stupeur de madame d’Estrelle, la prit à part et lui donna en trois mots la clef du mystère, en même temps que la preuve pour ainsi dire palpable de l’ardente passion du jeune artiste. Profondément touchée d’abord, elle rassembla ses forces et retrouva sa présence d’esprit pour conjurer le coup qui menaçait la famille.

— Laissez-moi faire, dit-elle à madame Thierry en s’efforçant d’être gaie ; je prends tout sur moi. C’est moi qui ai commis la faute, c’est à moi de la réparer.

— La faute ! Quelle faute ? s’écria Julien.

— Oui, oui, c’est moi qui ai pris envie de cette fleur et qui vous l’ai demandée !… Non ! qu’est-ce que je dis ? je perds l’esprit ! C’est moi qui l’ai brisée, oui, moi-même, une sotte fantaisie,… une distraction ! Vous n’étiez plus là… Je suis maladroite, je ne vois pas bien clair… Enfin j’expliquerai tout cela à votre oncle. Eh ! mon Dieu, que voulez-vous qu’il fasse ? Il ne me battra pas. Je lui demanderai humblement pardon ;… il n’est pas si méchant !

— Hélas ! dit madame Thierry, il est malheureuse-