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Page:Sand - Antonia.djvu/15

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En effet, le rossignol faisait entendre pour la première fois de l’année ses belles notes pures et retentissantes.

— Ah ! le voilà donc arrivé ! reprit madame Thierry. Voilà un an de passé !… Est-ce que tu le vois, Julien ? ajouta-t-elle pendant que le jeune homme, interrompant son travail, interrogeait de l’œil les bosquets massés devant la fenêtre.

— J’ai cru le voir, répondit-il en soupirant, mais je me suis trompé.

Et il revint à son chevalet. Sa mère le regardait plus attentivement, mais elle n’osa l’interroger.

— C’est égal, reprit-elle au bout de quelques instants, tu as la voix belle aussi, toi, et j’aimais à t’entendre rappeler les jolies chansons que ton pauvre père disait si bien… l’année dernière encore, à pareille époque !

— Oui, répondit Julien, tu veux que je les chante, et puis tu pleures ! Non, je ne veux plus chanter !

— Je ne pleurerai pas, je te le promets ! Dis-m’en une gaie, je rirai… comme s’il était là !

— Non ! ne me demande pas de chanter. Ça me fait mal aussi, à moi ! Plus tard, plus tard ! ça reviendra tout doucement. Ne forçons pas notre chagrin !

— Julien, il ne faut plus parler de chagrin, dit la mère avec un accent de volonté attendrie, mais vraiment forte. J’ai été un peu faible au commencement ; tu me le pardonnes bien ? Perdre en un jour trente ans de bonheur ! Mais j’aurais dû me dire que tu per-