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Page:Sand - Antonia.djvu/162

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unique dans l’histoire pour les illusions grandioses en attendant les résolutions formidables. On était aux derniers jours de la monarchie, et très-peu de gens songeaient à la renverser. Du moins Julien n’était pas de ceux qui y songeaient ; il allait très au delà de cette attente d’un fait quelconque dans la politique. Il s’enivrait des découvertes et des rêves de la science morale et de la science naturelle, récemment dégagées, pour ainsi dire en bloc, des nuages du passé. Lagrange, Bailly, Lalande, Berthollet, Monge, Condorcet, Lavoisier révolutionnaient déjà la pensée. Quand on se reporte à cette rapide succession de travaux heureux qui, en peu d’années, fit sortir l’astronomie de l’astrologie, la chimie de l’alchimie, et, sur toute la ligne des connaissances humaines, l’analyse expérimentale du préjugé aveugle, on reconnaît qu’en faisant la guerre aux superstitions, les philosophes du xviiie siècle ont affranchi le génie individuel de ses entraves en même temps que la conscience religieuse et sociale des peuples. Aussi quelle audace, quelle effervescence, quel enivrement dans ces premiers élans vers l’avenir ! L’esprit humain a salué le soleil du progrès, et déjà il croit s’emparer de tous ses rayons. À peine la première montgolfière s’est-elle enlevée sur ses ailes de feu, que deux hommes se risquent à traverser la Manche. Aussitôt l’humanité s’écrie : « Nous sommes maîtres des routes de l’atmosphère, nous sommes les habitants du ciel ! »

Dès le temps où s’encadre fortuitement notre récit,