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Page:Sand - Antonia.djvu/18

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à vivre en petite bourgeoise dans une solitude ! Vous en avez fini avec le deuil, et tout le monde sait que vous n’avez point eu lieu de regretter votre mari, le moins regrettable des hommes. Il vous a laissé de la fortune, c’est la seule chose sensée qu’il ait faite en sa vie…

— Et voilà, chère baronne, où vous vous trompez complètement. Le comte ne m’a laissé qu’une fortune grevée de dettes ; on m’a dit que je pourrais, avec quelques sacrifices et quelques privations, me libérer en peu d’années. J’ai donc accepté la succession sans y regarder de bien près, et voilà qu’aujourd’hui, après deux ans d’incertitudes et d’explications auxquelles je ne comprenais absolument rien, mon nouveau procureur, qui est un fort honnête homme, m’assure qu’on m’a trompée et que je suis plus pauvre que riche. C’est à ce point, ma chère, que j’étais ce matin en consultation avec lui pour décider si je pouvais garder, oui ou non, l’hôtel d’Estrelle.

— En vérité ! vendre votre hôtel ? Mais c’est impossible, ma chère ! Ce serait une honte pour la mémoire de votre mari. Sa famille n’y consentira jamais.

— Sa famille dit qu’elle n’y consent pas ; mais elle dit aussi qu’elle ne m’aidera en rien. Que veut-elle et que voulez-vous que je fasse ?

— C’est une indigne famille ! s’écria la baronne ; mais rien ne devrait m’étonner de la part du vieux marquis et de sa bigote de femme !