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Page:Sand - Antonia.djvu/185

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Marcel remarquait la tranquillité de Julien et ne se rendait pas bien compte du trouble qui perçait dans les manières de madame d’Estrelle. Il la trouva un jour comme elle venait de rendre visite à son beau-père le marquis. On le tenait pour sauvé, et Marcel pouvait songer à l’entretenir bientôt sur nouveaux frais des embarras d’argent de sa cliente.

— Oh ! mon Dieu, vous vous donnez de grands soins pour moi, dit Julie ; mais tout cela en vaut-il la peine ? Je vous jure que je veux bien être pauvre ; je ne m’ennuierai probablement pas plus que je ne fais.

— Vous voilà pourtant très-belle et prête à passer la soirée en grande compagnie ?

— Non, je vais me déshabiller ; je ne compte pas sortir. Avec qui sortirai-je donc ? Me voilà brouillée avec madame d’Ancourt, la seule femme chez qui, en qualité de compagne de couvent, je pusse aller seule le soir. Je suis trop peu intime avec les autres pour me présenter chez elles sans un chaperon ; madame des Morges, qui pourrait m’en servir, est d’une paresse inouïe ; ma cousine la présidente n’est pas reçue dans le grand monde, et la marquise d’Orbe est à la campagne. Vraiment je m’ennuie, monsieur Thierry, je me trouve trop seule, et il y a des jours où je ne peux pas m’occuper, n’ayant le cœur à rien.

C’était la première fois que Julie se plaignait de sa situation. Marcel la regarda attentivement et réfléchit.

— Il faudrait vous distraire un peu : que n’allez-vous quelquefois à la comédie ?