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Page:Sand - Antonia.djvu/215

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riage parce que j’ai des principes et de la religion vraie ; j’accepterai à plus forte raison le bonheur, et je lutterai pour être heureuse comme je luttais auparavant pour ne pas désirer de l’être. Jurez, mon ami ; il faut que nous soyons tout l’un pour l’autre, ou il faut ne nous revoir jamais, car voilà qui est certain, nous nous aimons, c’est plus fort que nous. Le monde n’y peut rien. Depuis quinze jours, je ne vis plus, je me sens mourir. Aujourd’hui, je devenais folle ; tout à l’heure j’aurais couru après vous si vous m’eussiez dit : « Je ne vous aime pas… » Ou bien, non, je me serais jetée dans le bassin avec la lune, avec l’étoile qui brille au fond. Julien, je perds l’esprit, je n’ai jamais dit de pareilles choses, je ne croyais pas oser jamais les dire, et je vous les dis, et je ne sais plus si c’est moi qui parle. Ayez pitié de moi, soutenez-moi, gardez-moi mon honneur, qui est à vous, gardez-vous à vous-même la pureté de votre femme.

— Oui, ma femme ! oui, je le jure ! s’écria Julien transporté. Et vous, Julie, jurez donc aussi devant Dieu !

— Mon Dieu ! dit Julie éperdue et redevenue tout à coup un peu lâche, il y a un mois que nous nous connaissons !…

— Non, il n’y a pas un mois, reprit Julien. Il y a une heure, car nous nous sommes vus il y a un mois, pendant un quart d’heure ici, un quart d’heure chez vous, et, ce soir, dans la rue, une demi-heure. Autant dire, Julie, que, selon l’apparence, nous ne nous con-