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Page:Sand - Antonia.djvu/218

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valet de chambre, qui était l’ami de Camille et qui par contre-coup protégeait Bastien, s’en alla à l’hôtel d’Ormonde et ne l’y trouva pas. Bastien avait compris qu’on le renvoyait au cabaret et y était retourné ; il y dormait du sommeil des anges, seul sommeil réputé assez délicieux pour servir de comparaison à celui d’un ivrogne. La voiture l’attendait à la porte, et le valet de pied, son subordonné, avait consenti à garder les chevaux à la condition que, de quart d’heure en quart d’heure, on lui apporterait de quoi se réchauffer sur le siège. Ces drôles ne reparurent à l’hôtel qu’au grand jour et ne retrouvèrent leur raison qu’au bout de vingt-quatre heures. En d’autres circonstances, Julie les eût chassés ; mais elle prévit que l’aventure bachique embrouillerait le fait de l’aventure romanesque dans les idées de l’antichambre et dans les commentaires de la loge. C’est ce qui arriva, et comme les gens qui servaient madame d’Estrelle n’étaient pas malveillants à son égard, il sembla que rien ne dût transpirer de l’emploi de cette nuit insolite.

La nuit suivante, par prudence, on se tint coi : mais, la nuit d’ensuite, les deux amants, sans s’être donné rendez-vous, se retrouvèrent dans les bosquets du jardin, et se redirent avec un plaisir nouveau tout ce qu’ils s’étaient dit l’avant-veille. On continua ainsi, sans trouble et sans danger apparent, rien n’étant plus facile à madame d’Estrelle que de se glisser hors de ses appartements, et même sans de grandes précautions, ses gens ayant l’habitude de la voir prendre