Page:Sand - Antonia.djvu/245

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— M. Antoine Thierry ! dit à voix haute le domestique.

Julie se leva par un mouvement de surprise. La marquise, qui était debout, se rassit par un mouvement de dépit. L’horticulteur entra, gêné, gauche comme de coutume, mais portant haut quand même sa figure irascible, qui faisait toujours un si étrange contraste avec ses manières timides. Sans saluer précisément personne, il vint en zigzag, mais très-vite, jusqu’à la table, jusqu’au papier, jusqu’à l’encrier, et, regardant Julie :

— Est-ce que vous venez de finir quelque chose ? lui dit-il d’un ton fâché où perçait je ne sais quelle sollicitude.

— Rien n’est fini, puisque vous voilà, lui répondit Marcel. Venez-vous par hasard pour enchérir, monsieur mon oncle ?

— Personne ne peut enchérir, dit la marquise très-agitée. Tout est conclu. J’en appelle à la bonne foi…

— La bonne foi est sauve, reprit Marcel. Nous subissions des conditions très-dures. Jamais on n’a blâmé un condamné à mort, quelque résigné qu’il soit, d’accepter sa grâce quand elle vient le surprendre. Voyons, monsieur mon oncle, parlez ! Vous avez envie de l’hôtel d’Estrelle. Je dis plus, vous en avez besoin ; vous abattrez le mur mitoyen, et vous ferez une jolie addition à votre jardin. L’hôtel de Melcy est froid, vieux, maussade, mal situé… Celui-ci est riant, frais en été.