Page:Sand - Antonia.djvu/290

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Marcel en cherchant Julien dans le bosquet, il faut qu’il soit un homme diablement fort !

Julien creusait une petite fosse pour y transplanter un arbuste. Il avait un sarrau de toile et la tête nue. Debout dans la terre fouillée, les mains appuyées sur le manche de sa bêche comme un ouvrier qui reprend haleine, il rêvait si profondément, qu’il n’entendit pas venir Marcel, et celui-ci, qui l’apercevait de profil, fut frappé de l’expression de son visage. Ce visage mâle ne portait point encore les traces de douleur qui altéraient déjà la beauté de Julie ; mais il avait cette tension et cette fixité de morne désespérance que Marcel avait pu étudier chez elle.

Julien vit son cousin, ne tressaillit pas et sourit. C’était précisément ce sourire de complaisance glacée avec lequel Julie accueillait Marcel, sourire doux et terrible comme celui qu’on voit quelquefois errer sur les lèvres des mourants.

— Ça va mal ! pensa Marcel. Il est diablement fort en effet, mais il est peut-être encore le plus malade des deux.

Marcel, navré, n’eut pas la force de cacher son émotion. Il aimait tendrement Julien ; sa prudence l’abandonna.

— Voyons, dit-il, tu as quelque chose, tu souffres ?

— Oui, mon ami, tu le sais bien, que je souffre, répondit l’artiste en quittant sa bêche et en marchant avec son cousin sous les arbres. Comment cela serait-il possible autrement ? Tu sais bien que j’aimais une