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Page:Sand - Antonia.djvu/302

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avec le premier qui se permettra un mot contre vous.

— Alors partons, répondit Julie en sonnant Camille. Je ferai ce que vous voudrez, mon ami, pourvu que je ne revoie jamais M. Antoine !

— Ne dites pas cela, madame ; un seul espoir me reste…

— Ah ! il vous reste un espoir, à vous ? dit Julie avec son effrayant sourire.

— Je mentirais si je le disais très-fondé, répondit tristement Marcel ; mais je ne dois l’abandonner qu’à la dernière extrémité. Ne m’ôtez pas les moyens de faire fléchir l’obstination de M. Antoine.

— À quoi bon ? reprit Julie. Ne m’avez-vous pas dit que le mariage d’une femme titrée avec un roturier était pour le roturier un malheur, une persécution, une lutte effroyable ?

— Ah ! madame, si ce roturier était très-riche, le plus grand nombre vous pardonnerait.

— Alors il faut que je demande à votre oncle d’enrichir l’homme que j’aime ? Il faut que je me déshonore à mes propres yeux, à ceux de Julien peut-être, pour mériter le pardon d’un monde sans honneur et sans cœur ? Vous m’en demandez trop, Marcel ; vous abusez de l’anéantissement où je suis. Que Dieu me donne une seule force, celle de vous résister ; car, après cette honte, je sentirais que j’ai trop tardé à mourir.

Le pauvre Marcel était accablé de fatigue et de chagrin. Il s’épuisait en démarches, en paroles, en efforts