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Page:Sand - Antonia.djvu/315

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— Quel est mon tort ? dit Julie. Expliquez-le-moi pour que je le reconnaisse.

Antoine fut fort embarrassé pour répondre, et son dépit, qui avait presque disparu, se réveilla, comme il lui arrivait toujours quand il ne pouvait rien alléguer qui eût le sens commun.

— Ah ! vous ne croyez pas m’avoir offensé ? dit-il. Eh bien, mordi ! vous me demanderez bel et bien pardon, si vous voulez que Julien ne paye pas pour vous.

— Faudra-t-il vous demander pardon à genoux ? dit Julie avec une arrogance douloureuse.

— Et si je l’exigeais ? repartit le vieillard, saisi du vertige de la colère en se sentant bravé.

— M’y voici ! dit madame d’Estrelle en s’agenouillant devant lui.

C’était pour elle la dernière station du martyre, l’amende honorable que la victime innocente devait faire, la corde au cou et la torche en main, avant de monter au bûcher. En ce moment d’immolation sublime, son âme irritée s’épanouit tout à coup, son visage se transfigura, elle eut le sourire extatique des saintes, et l’ineffable douceur du ciel entr’ouvert se refléta dans ses yeux.

Antoine ne comprit pas, mais il fut ébloui. Sa colère tomba, non sous l’attendrissement, mais devant une espèce de terreur superstitieuse.

— C’est bon, dit-il. Je suis content, et je pardonne à julien. Adieu !