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Page:Sand - Antonia.djvu/334

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— Je ne sais pas ce que j’ai écrit, j’étais folle ; mais il n’y a pas d’éternel adieu, ce n’est pas possible, quand on s’aime comme nous nous aimons.

— Alors tu pars ?… Mais tu reviendras ?

— Si je peux, oui ! Ne parlons pas de cela. Cette nuit nous appartient, aimons-nous !

Au milieu des transports de l’amour, Julien fut encore saisi d’effroi. Julie s’échappait en paroles exaltées où se mêlait je ne sais quoi de sinistre qui le glaçait.

— Ah ! tiens, s’écria-t-il tout à coup, tu me trompes ! Tu t’en vas pour toujours, ou tu crois que tu vas mourir ! Tu es malade, je le sais, condamnée par les médecins peut-être ?

— Non, je te jure que les médecins me promettent de me guérir.

— Je veux voir ta figure ; je ne te vois pas, sortons d’ici. J’ai peur ! Il me semble par moments que je rêve, et que c’est ton spectre que je tiens dans mes bras.

Il l’entraîna dans le jardin, il y faisait presque aussi sombre que dans le pavillon.

— Je ne te vois pas, mon Dieu ! je ne peux pas voir ta figure, disait Julien avec anxiété. Je sens bien que tes bras ont maigri, que ta taille est plus frêle. Tu me sembles devenue si légère, que tes pieds ne touchent plus le sable. Es-tu un rêve, dis-moi ? Suis-je là, près de toi, dans ce jardin où nous avons été si heureux ? J’ai peur d’être fou !