Page:Sand - Antonia.djvu/51

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— Est-ce un bon sujet ? Que dit-on de lui ?

— C’est un grand bon sujet, madame la comtesse. Tout le monde en dit du bien. Ils sont très-pauvres, et ils payent tout sans faire attendre personne. Avec ça, point regardants et ne faisant aucune petitesse. On dirait absolument des gens bien nés.

Camille n’adulait pas sa maîtresse en parlant ainsi. Elle aussi avait des prétentions à la naissance et aux revers de fortune. Elle disait avoir des échevins parmi ses ancêtres.

— Mon Dieu, Camille, la naissance n’y fait rien, dit la comtesse, que les airs de sa suivante impatientaient souvent.

— Pardon, madame la comtesse, reprit Camille piquée ; je croyais que ça faisait tout !

— C’est comme vous voudrez, ma chère. Allez me chercher mon parasol gris. — Ils ont tous tant de morgue par le temps qui court, pensa madame d’Estrelle, qu’ils me dégoûteront de tout préjugé ; ils me feront aimer Jean-Jacques Rousseau plus que de raison, et vraiment j’arrive à me demander si les grands ne jouissent pas un peu de leur reste et si ces vieilleries ne commencent pas à être bonnes pour amuser nos valets.

Elle prit son parasol gris avec je ne sais quel vague dépit intérieur, et puis elle s’assit dans son salon, ouvert au soleil d’avril, se disant qu’elle ne devait plus aller du côté du pavillon, et peut-être plus du tout dans son jardin.