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Page:Sand - Antonia.djvu/77

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perai de lui, à la condition qu’il ne me parlera jamais de sa mère.

— Vous voulez peut-être qu’il la tue ? Tenez, l’oncle, vous êtes fou, ni plus ni moins. Vous êtes vain à l’excès, et vous avez le préjugé de la noblesse plus qu’aucun de ceux qui ont des ancêtres. Vous n’avez pas été amoureux de mademoiselle de Meuil, j’en suis certain ; mais son rang vous a fait désirer de supplanter votre frère auprès d’elle. Vous avez été jaloux du pauvre André jusqu’à la rage, non à cause de cette belle et aimable personne, mais à cause des parchemins qu’elle lui apportait en dot et de l’espèce de lustre qui rejaillissait sur lui. Bref, vous ne haïssez pas les nobles, vous les adorez, vous les enviez, vous donneriez vos millions pour être quelque chose, et votre fureur à tout propos contre eux n’est qu’un dépit d’amoureux éconduit, comme votre haine contre ma tante n’est qu’un dépit de roturier froissé et humilié. Voilà votre manie, mon pauvre oncle ; chacun a, dit-on, la sienne, mais celle-ci vous rend mauvais, et j’en suis fâché pour vous.

L’ex-armateur sentit peut-être que Marcel avait raison ; en conséquence, il allait se fâcher d’autant plus fort ; mais Marcel lui tourna le dos en levant les épaules, et s’en alla sans vouloir prendre garde à ses invectives.

Au fond, Marcel était fort content de se voir enfin en possession du fond des pensées et des souvenirs de son oncle. Il se promit d’en profiter pour l’amener