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Page:Sand - Antonia.djvu/94

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Une heure après, la baronne courut chez madame d’Estrelle.

— Ma chère, lui dit-elle tout émue, je vous apporte cinq millions ou la misère ; choisissez.

— Ah ! ah ! un vieux mari, n’est-ce pas ? dit Julie ; vous tenez à votre idée ?

— Un très-vieux mari ; mais cinq millions !

— Avec un grand nom sans doute ?

— Pas le plus petit nom ! un roturier tout à plat, mais cinq millions, Julie !

— Un honnête homme au moins ?

— Il passe pour tel ; êtes-vous décidée ?

— Oui, je refuse ! N’en feriez-vous pas autant ? M’estimeriez-vous si j’acceptais ?

— J’ai dit ce que vous dites là. J’ai envoyé paître mon homme. Je me suis moquée de lui. Il a répondu obstinément : « Cinq millions, madame, cinq millions ! »

— Et il vous a convaincue, puisque vous voilà !

— Convaincue ou non… j’ai été surprise, éblouie, j’ai dit comme la reine : « Vous m’en direz tant ! »

— Alors vous me conseillez de dire oui ?

— Ne dites pas oui, dites peut-être, et vous réfléchirez, et je réfléchirai aussi pour vous ; car, en ce moment-ci, je n’ai pas bien ma tête ; ces millions m’ont grisée. Que voulez-vous ! l’homme est vieux, avant peu vous seriez libre ; on aurait fini de crier contre la mésalliance ; d’ailleurs, on sait que, par vous-même, vous n’avez pas grande origine. Vous ouvririez