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Page:Sand - Cadio.djvu/104

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SAINT-GUELTAS. Toutes les femmes sont comme cela ! pleines de pitié pour les indifférents, indifférentes elles-mêmes, cruelles au besoin pour leurs amis.

MARIE. Je ne comprends pas l’allusion.

SAINT-GUELTAS. Si fait, vous me comprenez de reste.

MARIE. Est-ce une manière de vous plaindre de Louise ?

SAINT-GUELTAS. En ce moment, je ne pensais qu’à vous.

MARIE. Alors, c’est encore une plaisanterie déplacée que vous me forcez d’entendre ? C’est désobligeant.

SAINT-GUELTAS. Voyons, mademoiselle Marie, tenez-vous réellement à ce que je n’aie d’yeux que pour mademoiselle Louise ?

MARIE. Je ne tiens pas à ce que Louise devienne votre femme, je crois que ce sera pour elle un grand malheur ; mais vous affichez d’être son chevalier, vous lui faites la cour, son père vous autorise, et tout le monde croit que vous devez l’épouser. Ne laissez pas son avenir s’engager ou se compromettre ainsi, ou aimez-la uniquement et sérieusement.

SAINT-GUELTAS. Vous parlez comme une charmante petite bourgeoise que vous êtes, mademoiselle Hoche ! et vous avez appris à Louise à raisonner comme vous. Toutes deux, vous vous croyez encore au temps où l’on filait la soie et le sentiment dans les grands salons silencieux des châteaux ou sous les ombrages immobiles des vieux parcs. Un été de guerre civile, qui résume cent ans d’expérience, vous sépare déjà de cette saison des amours à jamais disparue. Si nos manoirs sortent de leurs cendres, si nos chênes abattus reverdissent, nous rentrerons chez nous bien différents de ce que