Aller au contenu

Page:Sand - Cadio.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LA TESSONNIÈRE, qui fait semblant de travailler et qui gratte la terre au hasard avec une pioche, se rapprochant d’eux. Dis donc, Rebec ?

REBEC, bas. N’ayez pas l’air de si bien me connaître, et surtout ne me tutoyez pas, puisque vous ne tutoyez pas les autres.

LA TESSONNIÈRE. Tu as raison, mon ami, tu as raison ! Et, dis-moi, as-tu des nouvelles ?

REBEC. Ah ! dame ! la terreur va son train, et c’est à qui en prendra la gouverne.

LA TESSONNIÈRE. Comment ! la gouverne de la terreur ?… On nous disait que ça allait bientôt finir ?

REBEC. Ça finira. Vous pensez bien que ça ne peut pas durer toujours ; mais pour l’instant ça redouble. Ceux qui la font la craignent tant eux-mêmes, que c’est à qui en fera plus que les autres. C’est ce qui les perdra. Ils se dénoncent, ils s’injurient, ils s’envoient à la guillotine. Soyez tranquille, ça finira mal pour eux ; chacun son tour !

LA TESSONNIÈRE, prenant du tabac. Et alors, naturellement, le roi…

REBEC. Faut pas parler de ça, ça viendra tout seul ! (Bas, s’adressant à Corny.) Dites donc, il est bien mal déguisé. Il a une chemise trop fine, et vous devriez lui cacher sa tabatière à portrait. Dites-lui donc de me la vendre, et je lui en achèterai une en corne.

CORNY, bas. Bah ! bah ! nos garnisaires le connaissent, mais ils ne font pas semblant. Qu’est-ce que ça leur fait, un vieux comme ça ?

REBEC. Je sais bien qu’on peut compter sur nos quatre hommes de garnison : ils sont très-gentils ; mais si on les changeait ? si on nous envoyait des enragés ?