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Page:Sand - Cadio.djvu/187

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LE PREMIER SECRÉTAIRE. Tu n’es plus bon qu’à mourir, si tu doutes !

LE DÉLÉGUÉ, buvant encore. Et, si je doutais, vous me dénonceriez, fanatiques enfants de la Révolution ?

LE DEUXIÈME SECRÉTAIRE. Oui, certes !

LE PREMIER SECRÉTAIRE. Je ferais mieux, je te poignarderais !

LE DÉLÉGUÉ, exalté, se levant et frappant son gobelet sur la table. Allons, vous feriez bien ! Moi aussi, je vous briserais, si vous ne me souteniez pas sur l’âpre et sauvage montagne ! C’est votre mission, à vous, mes jeunes tigres ! Il faut des hommes, à présent. Que dis-je ! les hommes n’ont qu’une dose limitée d’énergie, la pitié est chose naturelle, le dégoût est chose fatale ; il faut devenir des dieux ! Des dieux cabires, des essences dégagées de la matière, des forces implacables, funestes ! Eh bien, alors, brûlons nos entrailles avec le fer rouge de l’ivresse. Éteignons en nous les dernières palpitations de la sensibilité, soyons fer et feu, mitraille et torche, hache et brandon ! Nous tomberons épuisés, maudits, insultés, torturés peut-être ! mais la vérité triomphera, et nous laisserons une gloire immortelle…

CADIO, malgré lui. Non !

LE DÉLÉGUÉ. Qu’est-ce que c’est ?

LE PREMIER SECRÉTAIRE. Un traître ! (Il tire un coup de pistolet sur le hangar : Cadio a disparu.)

HENRI, accourant. Qu’y a-t-il ?

LE DÉLÉGUÉ. Aux armes ! défendez-moi !

HENRI. On a tiré sur vous ?

LE SECOND SECRÉTAIRE, désignant le hangar. On nous a menacés. Courez, fouillez les buissons. Tuez tout ! allez-y tous !

HENRI, au délégué. S’il y a des ennemis ici, ma place