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Page:Sand - Cadio.djvu/266

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par le respect de moi-même. Je ne comprendrais l’affection qu’avec la durée, et la maternité qu’avec la sécurité. En voyant ces pauvres Vendéennes promener, c’est-à-dire traîner leur grossesse ou leurs nourrissons à travers la bataille et la déroute, je plaignais ces innocents, et je trouvais presque criminel l’insouciant, l’égoïste amour qui les avait créés ! — Vous voyez ! je ne vous parle pas comme devrait le faire une jeune fille ; c’est qu’on n’a plus, hélas ! la coquetterie de la pudeur. Il n’y a plus de jeunesse, plus de douce innocence : les grâces ont pris la cuirasse de Minerve. Il faut renoncer à tout ce qui faisait l’ornement et le charme de la vie, et se résigner à n’être qu’une sœur de charité dans ce grand hôpital d’âmes meurtries ou égarées qui est la société présente !

HENRI. Vous avez raison, Marie ! Il faut rester l’héroïne de dévouement, la sainte que vous êtes ; mais tout ceci ne peut durer qu’un temps limité, tout se ranime et refleurit vite sur le sol béni de la France. La guerre ardente va y ramener la paix durable. L’homme ne peut pas s’habituer à vivre sans famille et sans bonheur domestique. Dans un an ou deux peut-être, ce qui est impossible aujourd’hui sera facile. Déjà nous avons la victoire éclatante au dehors, le patriotisme doit triompher au dedans. Douter de cela, c’est douter de la grandeur de la patrie, et vous et moi, en dépit des horreurs que nous avons vues, nous n’en avons jamais douté. L’avenir nous tiendra-t-il compte de l’effort suprême qu’il nous a fallu faire pour garder la foi ? N’importe, gardons-la passionnément, et croyons à l’amour comme à la couronne qui nous est due. — Eh bien, nous attendrons… Pour