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Page:Sand - Cadio.djvu/54

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LE COMTE, le regardant avec surprise. Un paysan… le fouet en bandoulière, le sac à farine sur l’épaule… J’y suis ! c’est le signe de ralliement adopté par des hommes dont le ministère de paix et de charité s’accorde mal avec de pareilles provocations ! Je respecte votre caractère, monsieur, et c’est à ceux qui emploient un personnage inviolable pour m’adresser le plus sanglant outrage que je renvoie le reproche de lâcheté. Est-ce vous, monsieur le marquis de la Roche-Brûlée ?

SAINT-GUELTAS. Non, monsieur, je vous aurais présenté le défi moi-même. C’est le conseil de l’armée catholique qui, malgré moi, a chargé M. le… M. Sapience, nous l’appelons ainsi, de vous offrir, en cas de refus…

LE COMTE (montrant Cadio.) Et celui-ci… est-ce aussi un ministre ?…

SAPIENCE. Non ; c’est un pauvre idiot que nous avons ramassé sur les chemins et qui ne sait ce qu’il fait. Ne lui en veuillez pas. Aucun de nous ne se fût senti le courage d’infliger en personne un châtiment aussi cruel à un homme jusqu’ici respectable et pur ; mais les ordres étaient formels, et je devais obéir à mon évêque.

LE COMTE. Quel évêque ? Son nom !

SAPIENCE. Monseigneur l’évêque d’Agra.

RABOISSON, bas, à Saint-Gueltas. Qu’est-ce que c’est que ça ? un évêque de ta façon ?

SAINT-GUELTAS, bas. Ça fait très-bien. Silence ! (Au comte qui tient toujours la quenouille.) Eh bien, vous la gardez, monsieur le comte ? C’est trop d’héroïsme et de fierté !

LOUISE, tremblant de colère. Oh ! oui, mon père, c’est trop !