Page:Sand - Cadio.djvu/80

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mauvaise nouvelle de ma famille. Espérons que mon oncle mettra en temps utile les femmes en sûreté ; quant à lui et à ses amis, ils font comme nous, ils courent les chances de la guerre.

LE CAPITAINE. Sommes-nous seuls ? J’ai quelque chose à vous dire.

HENRI, allant fermer la porte de côté. Oui, Capitaine ; à présent, vous pouvez parler.

LE CAPITAINE, s’asseyant. Voyons, Henri, nous allons entrer en campagne et faire des choses terribles, je le crains !

HENRI. Vous plaisantez, capitaine, les choses terribles ne vous font pas peur.

LE CAPITAINE. Je vous demande pardon. La guerre civile entraîne des rigueurs que vous ne prévoyez pas, et, d’après les ordres que nos généraux reçoivent, je m’attends à tout. On veut en finir brusquement et sans retour avec la Vendée, et, pour les exaltés qui nous gouvernent à présent, tous les moyens sont bons. La Convention trouve les procès trop longs à instruire. Elle nous défendra peut-être de faire des prisonniers. Si elle entre dans cette voie, Dieu sait où elle s’arrêtera. Vous sentirez-vous la force d’aller jusqu’au bout ?

HENRI. Est-ce une épreuve, mon capitaine ? M’avez-vous amené ici, de préférence aux jeunes officiers mes camarades, pour voir si, en présence du manoir où j’ai passé mon enfance et où tout me rappelle les plus chers souvenirs de ma vie, je sentirai faiblir mon patriotisme ?

LE CAPITAINE. Oui, mon cher enfant, je l’ai fait à dessein, non pour surprendre les secrets tourments de votre conscience, mais pour vous dire : Jamais