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Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/104

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— Ta vas me quitter ! s’écria-t-elle en se jetant à genoux devant moi avec un mouvement si spontané et si désolé que j’en fus troublée ; mais je craignis que ce ne fût un de ces petits drames qu’elle jouait avec conviction, sauf à en rire une heure après.

— Je ne compte pas vous quitter pour cela, repris-je, à moins que…

Elle m’interrompit : Tu me dis vous, tu ne m’aimes plus ! Si tu me dis vous, je n’écoute plus rien, je vais pleurer dans ma chambre.

— Eh bien ! je ne te quitterai pas, à moins que tu ne m’y forces en te jouant de mes devoirs et de mes affections.

— Comment la pensée pourrait-elle m’en venir ?

— Je te l’ai dit, ce n’est pas l’institutrice, ce n’est même pas l’amie qui se plaint de toi, c’est la tante de Paul Gilbert ; me comprends-tu maintenant ?

— Ah ! mon Dieu ! ton neveu… Pourquoi ? qu’y a-t-il ? Est-ce que, sans le vouloir, je l’aurais rendu amoureux de moi ?

— Tu le voudrais bien, répondis-je, blessée de la joie secrète que trahissait son sourire : ce serait une vengeance de son insubordination ; mais il ne te fera pas goûter ce plaisir des dieux. Il n’est pas et ne sera jamais épris de toi. Tu as perdu ta peine ; on perd de son prestige en perdant de sa dignité.

— C’est là ce qu’il t’a dit ?

— En ne me défendant pas de te le redire.

— L’imprudent ! s’écria-t-elle avec un éclat de rire vraiment terrible.