Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/191

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s’attachent à la poursuite d’un idéal, ce n’est pas l’idéal par lui-même qui les enflamme, c’est surtout l’amour de la lutte et l’enivrement du combat. Si mon neveu eût été facile à persuader et à vaincre, elle l’eût dédaigné ; elle n’y eût jamais fait attention.

Elle croyait avoir trouvé dans le marquis l’esclave rebelle, mais faible, qu’en un tour de main elle devait à jamais dompter ; elle se trompait. Elle avait, sans le savoir, altéré la droiture de cet homme d’un cœur généreux, mais d’une raison médiocre. Depuis plusieurs années, elle le traînait à sa suite, l’honorant du titre d’ami, abusant de sa soumission, et lui confiant, dans ses heures de vanité, les théories de haute diplomatie qui lui avaient réussi pour gouverner ses proches, ses amis et lui-même. D’abord le marquis avait été épouvanté de ce qui lui semblait une perversité précoce, et il avait voulu s’y soustraire ; ensuite il avait vu Césarine n’employer que des moyens avouables et ne travailler à dompter les autres qu’en les rendant heureux. Telle était du moins sa prétention, son illusion, la sanction qu’elle prétendait donner, comme font tous les despotes, à ses envahissements, et dont elle était la première dupe. Le marquis s’était payé de ses sophismes, il était revenu à elle avec enthousiasme ; mais il recommençait à souffrir, à se méfier et à retomber dans son idée fixe, qui était de lutter contre elle et contre le rival préféré, quel qu’il fût.

Elle ne le tenait donc pas si bien attaché qu’elle croyait. Il avait étudié à son école l’art de ne pas