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Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/233

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ou ne demandait qu’à l’être. Quant à elle, on eût juré qu’elle n’avait rien dans le cœur de plus ou de moins pour lui que pour ses amis de la troisième ou quatrième catégorie.

Celles des personnes présentes qui n’avaient pas vu le marquis depuis quelque temps ne le croyaient pas si gravement malade. Quelques-unes disaient tout bas qu’il avait exagéré son mal en paroles pour apitoyer mademoiselle Dietrich et la faire consentir à un mariage sans lendemain, qui aurait au moins un surlendemain. On changea d’avis, et l’enjouement qui régnait dans les conversations particulières fit place à une sorte d’effroi quand le marquis parut sur une chaise longue que ses gens roulaient avec précaution. Il eût pu se tenir quelques instants sur ses jambes, mais il lui en coûtait de montrer qu’elles étaient enflées, et il s’était fait défendre de marcher. Bien rasé, bien vêtu et bien cravaté, il cachait la partie inférieure de son corps sous une riche draperie ; sa figure était belle encore et son buste avait grand air, mais sa pâleur était effrayante ; ses narines amincies et ses yeux creusés changeaient l’expression de sa physionomie, qui avait pris une sorte d’austérité menaçante. Césarine eut un mouvement d’épouvante en me serrant le bras ; elle l’avait vu plus intéressant dans sa tenue de malade ; cette toilette de cérémonie n’allait pas à un homme cloué sur son siége, et lui donnait un air de spectre. M. Dietrich conduisit sa fille auprès de lui, il lui baisa la main, mais avec effort pour la porter à ses lèvres ; ses