Page:Sand - Cesarine Dietrich.djvu/262

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confidences ; elle aime à causer, et mon silence l’ennuie. Je reste seule, j’attends que mon mari soit rentré ; je prends mon ouvrage et je me dis :

« — Deux heures, ça n’est pas bien long… »

Cela me paraît deux ans. Je ne sais pas pourquoi ces deux heures-là, qu’il pourrait nous donner et qu’il ne nous donne presque plus, me rendent folle, injuste, méchante. Je rêve des malheurs, des désespoirs ; si je ne craignais pas d’éveiller mon petit, je crierais, tant je souffre. Je regarde à la fenêtre comme si je pouvais voir par-dessus la campagne ce que Paul fait à Paris… Et pourtant, je le sais, il ne fait pas de mal ; il ne peut faire que du bien, lui ! Je sais qu’il va souvent chez vous, c’est bien naturel : vous êtes pour lui comme sa mère. Quand il rentre, je lui demande toujours s’il vous a vue. Il répond oui, il ne ment jamais… S’il a vu la belle marquise, s’il y avait du grand monde chez elle, s’il est content d’être revenu auprès de moi ; il sourit en disant toujours oui. Il me fait raconter tout ce que le chéri a fait et dit dans la journée, à quels jeux il s’est amusé, ce qu’il a bu et mangé ; enfin il paraît heureux de parler de lui, et je n’ose pas parler de moi. Je me cache d’avoir souffert. Quelquefois je suis bien pâle et bien défaite, il ne s’en aperçoit pas, ou, s’il y prend garde, il ne devine pas pourquoi. Je voudrais lui tout dire pourtant, lui confesser que je m’ennuie de vivre, que par moments je regrette qu’il m’ait empêchée de mourir. J’ai peur de lui faire de la peine, d’augmenter celle qu’il a, car il en a beaucoup, je le vois