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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/100

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de lui, c’était un portrait d’enfant, pastel richement encadré, dans le salon. Cela ne me représentait rien. L’idée d’un père sous la forme d’un enfant ne peut rien inspirer à un enfant déjà plus âgé que le visage du portrait. Mon père était, sur la toile, un gros gaillard de cinq ans, tout rose, avec des cheveux poudrés et un habit rouge. Marius se moquait beaucoup de ce costume, et son oncle ainsi affublé lui inspirait si peu de respect, qu’il ne pouvait le regarder sans lui faire des grimaces ou des révérences ironiques.

Ma grand’mère, en me parlant de son fils, m’avait toujours recommandé de le respecter et de prier pour lui. Jamais elle ne m’avait prescrit de l’aimer depuis un jour où je lui avais dit : « Et lui, m’aime-t-il ? » et où elle m’avait simplement répondu : Il doit vous aimer. Je savais que ma mère était morte. J’ignorais que la douleur de mon enlèvement eût causé sa mort. Denise heureusement l’ignorait aussi ; sans quoi, elle n’eût pas craint de jeter l’effroi dans mon âme en me l’apprenant ; mais elle n’avait pas manqué de me dire que mon père était remarié.

— J’ai donc une nouvelle maman ? demandais-je quelquefois alors à ma grand’mère.

— Vous avez une belle-mère, me répondait-elle, mais vous n’avez pas d’autre maman que moi.