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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/108

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tions. Encore ceci n’était-il que la victoire remportée par sa politesse un peu hautaine sur sa répugnance contre toute contrainte. Il n’avait qu’une force, celle de la douceur qu’il s’imposait pour obliger les autres à la douceur. Quand Frumence, qui était aussi patient que possible, avait l’air de souffrir de son néant, Marius lui disait d’un grand air de courtoisie : « Monsieur, je vous demande pardon et je vous prie d’être plus clair, » comme si c’eût été la faute du professeur et non la sienne. Quand j’avais de l’humeur avec lui : « Tu sais, me disait-il, que je ne veux pas me fâcher, moi, et que tu peux bien dire ce que tu voudras sans que je m’en soucie. » Et il disait tout cela d’un ton si fier et si calme, que l’orage passait vite, mais sans lui avoir profité, sans l’avoir ému un instant, sans avoir dérangé un cheveu de son toupet merveilleusement frisé et relevé sur le front comme une équerre. Il continuait à être le plus joli garçon du monde, ce qui ne l’empêchait pas d’en être le plus insignifiant. Je m’étais habituée à sa figure, et je n’y trouvais plus aucun charme. Ses élégances ne m’éblouissaient plus, ses interminables peigneries, ses méticuleux nettoyages d’ongles, m’impatientaient sérieusement. Son bilboquet m’était odieux, et ses chasses avec Frumence, qui tuait tout le gibier manqué par lui, me faisaient