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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/117

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pour lui du choix d’un état. On a encore chez nous, dans certaines familles nobles, des préjugés contre le commerce, l’industrie et la plupart des professions libérales. Un jeune homme de bonne maison, sans fortune, ne peut être que marin ou militaire ; mais, pour être militaire, c’est-à-dire officier d’emblée, comme l’entendait Marius, c’était toujours la même impasse, et ma bonne maman, connaissant la hauteur et les raffinements de son neveu, n’osait pas lui proposer de se faire mousse ou soldat.

Un jour, au milieu du calme plat de notre existence, éclata un petit drame qui ne me fut révélé que beaucoup plus tard, et dont je vis les effets sans en connaître la cause.

C’était une cause bien prosaïque. Marius, qui n’avait pas encore ressenti l’appel des passions physiques, et qui était trop méfiant ou trop prudent pour s’être prêté loin de nous à aucune aventure, se montra inquiet, distrait, agité, presque sombre. Il haïssait Jennie, qui ne le flattait pas, et pourtant un beau matin il essaya de se réconcilier avec elle en lui disant qu’elle était jolie. Jennie haussa les épaules. Il lui répéta plusieurs jours de suite qu’elle était jolie. Je ne sais quelle leçon elle lui donna ; il prit du dépit contre elle et devint roide et impertinent avec Frumence. Il lui échappa