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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/168

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un jeune homme par la barbe et presque un homme par la prévoyance ; mais c’était la prévoyance d’un égoïste qui compte sur les autres et ne sent pas le désir de travailler pour lui-même. Quand je l’interrogeai, il me répondit qu’il s’ennuyait tout autant à Marseille que chez nous, mais qu’il s’était résigné à mener une conduite exemplaire pour ne pas s’exposer à l’humiliation des semonces. Bien que M. de Malaval fût très-paternel avec lui, il le dédaignait comme un patron ridicule et pédant. Il ne traitait pas mieux ses nouvelles connaissances que les anciennes, et son esprit était plus que jamais porté au dénigrement.

On pense bien que Marius, avec ce ton dégagé, ne me tourna pas la tête. Dans les nombreux romans que j’avais déjà lus, aucun Lorenzo ne m’était apparu sous la figure froide et railleuse de mon cousin. Ils étaient tous ardents et enthousiastes, ces sensibles personnages ; ils mouraient d’amour pour leur belle, ils passaient dix ans à la chercher par terre et par mer lorsque de barbares destins les en avaient séparés. Ils vivaient de larmes, d’eau claire et de romances. Un tel amour eût flatté mon petit orgueil et allumé en moi la flamme des dévouements les plus chevaleresques. Marius, plus positif et plus indifférent que jamais, me fit l’effet de devoir rester éternellement le petit