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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/192

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parai de l’amitié, de l’intérêt et de l’attention de Frumence avec une parfaite innocence d’intentions, et sans me douter que mes vaines et vides confidences pussent troubler sa tranquillité d’esprit et la régularité de ses habitudes. Je voulus être son enfant gâté comme j’étais celui de Jennie ; mais en même temps je voulais être une amie sérieuse et une personne intéressante. Jennie était une mère, je m’arrangeais pour que Frumence fût un frère.

Je fus très-égoïste, ce qui ne m’empêcha pas de m’attacher beaucoup à lui. Je le voyais tous les dimanches. Tous les dimanches, je déjeunais frugalement sur le bout de sa grande table avec Jennie ou Agar, qui m’accompagnaient tour à tour, et, chose étrange, honteuse à dire, j’aimais mieux être conduite par Agar, qui me laissait causer tête à tête avec mon ami, que par Jennie, dont le jugement droit et le bon sens rigide me gênaient un peu pour lui dire tout ce qui me passait par la tête. J’étais curieuse de comprendre la vie étrangement stoïque de mon solitaire ; je n’y avais jamais songé autrefois. Je me demandais maintenant comment on vit tout seul sans effroi et sans ennui, et, quand Frumence me disait qu’il vivait ainsi volontairement et sans regret, il devenait pour moi un personnage important et mystérieux