Aller au contenu

Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/221

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Pommets. M. Costel me remettait mes cahiers, que son neveu avait examinés et annotés durant la semaine, avec des livres quand j’en pouvais manquer. Je trouvais aussi mon déjeuner servi sur la grande table, mais je prolongeais en vain ma visite ; Frumence ne devait rentrer que le soir, et j’étais forcée de partir sans l’avoir vu. Je savais bien que Frumence n’avait pas régulièrement affaire à Toulon, et qu’il lui en coûtait de ne pas exercer envers moi sa gentille et modeste hospitalité.

Le mystère de sa conduite, bien loin de m’offenser, me charma. Il me fuyait ! Il avait bien tort, puisque je venais à lui pour verser le dictame céleste sur ses blessures ! Mais il ne pouvait pas ainsi supporter ma vue tous les dimanches. Il craignait de se trahir. Il s’égarait et se cachait dans les « antres sauvages » pour faire provision de stoïcisme contre l’attrait de ma présence.

Si ce brave garçon eût été réellement aux prises avec une passion pour moi, j’en eusse fait un martyr, car je m’acharnais à ne pas me laisser oublier. Cela eût été odieux ; mais mon ignorance des passions empêchait ma conscience de m’avertir, et j’allais toujours pensant que le bienfait de mon amitié épurée devait aider Frumence malgré lui à entretenir sa vertu sans trop de souf-