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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/228

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rence plus tolérable. Je reconnus bientôt qu’elle était bonne fille, obligeante, consciencieuse dans les soins qu’elle donnait à ma grand’mère, nullement susceptible, ni intrigante, ni fausse, en un mot très-différente de sa mère, et ressemblant beaucoup pour la bonhomie et l’indécision au docteur Reppe. Je la pris en amitié, bien qu’elle n’eût rien d’agréable dans l’esprit. C’était la nullité même, elle ne savait qu’aligner des points sur du linge et des patenôtres sur le papier. Elle passait sa vie à faire des reprises et à copier des prières, ses talents d’agrément consistaient à enluminer de petites images de dévotion et à chanter des cantiques dont elle changeait et transposait les vers de la façon la plus idiote ; mais j’avais eu des préventions contre elle : je l’avais crue sournoise et médisante, j’avais été injuste, et je voulais réparer mes torts. Elle était câline à la manière des chiens qui lèchent la main prête à frapper. Quand elle m’impatientait par sa bêtise, elle le voyait dans mes yeux et venait m’embrasser pour me désarmer. Je l’embrassais aussi par remords de ma vivacité, bien qu’elle eût un visage déplaisant, d’un rouge brique et semé de taches de rousseur. Ses cheveux plats ressemblaient à du chanvre, et ses mains étaient toujours humides, ce qui me répugnait beaucoup.