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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/23

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temps m’a donc été raconté à moi-même, et je ne l’affirme que sur la foi d’autrui.

Ma grand’mère et ma nourrice — car c’était à elles qu’on m’avait restituée — ne purent arracher de moi un seul mot de français pendant plusieurs semaines. Le français n’était pas ma langue habituelle, et pourtant on m’en avait appris un peu ; car je paraissais le comprendre, et la facilité avec laquelle je le rappris quand ma mauvaise humeur fut passée prouva que je l’avais entendu parler presque autant que l’autre langue ou patois dont je préférais me servir. Il paraît que cette préférence était une malice de ma part, et que, longtemps encore après, je poussai l’obstination jusqu’à ne pas vouloir répondre un mot aux nombreux visiteurs qui venaient m’admirer comme une merveille, et qui, la plupart, marins ou voyageurs, me questionnaient dans toutes les langues connues. Quand on vit que ces importunités augmentaient ma résistance, on me laissa tranquille, et ma grand’mère prit le sage parti de ne plus me faire ni caresses ni prévenances.

Un jour qu’on m’avait menée promener à la Salle verte, il paraît que le souvenir de ma mère me revint et que je recommençai mes cris. On ne m’y mena plus pendant longtemps. On me laissa jouer toute seule dans le jardin en terrasse, sous