Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/244

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du devoir accompli que vous ne croyez aux promesses d’une autre vie ?

— Ma chère enfant, dit Frumence en se levant comme pour rompre la conversation, je crois au devoir et au bonheur en cette vie, parce que l’un est, sinon la récompense, du moins la conséquence nécessaire de l’autre. Avec la conscience d’avoir saintement aimé une femme, j’ai la certitude que je me trouverai satisfait de moi-même, si j’ai pu le lui prouver ; mais, si des circonstances fatales m’obligent à passer à côté de ce bonheur sans l’avoir saisi, j’aurai encore cette consolation de pouvoir me dire qu’à toutes les heures de ma vie j’ai su me rendre digne d’y prétendre, et que j’emporterai l’estime d’une amie dans ma tombe. Avec ces idées-là, on ne se nourrit ni de tourments ni de chimères ; on accomplit sa tâche de dévouement tant qu’elle doit durer, et, si elle est inutile, on meurt en paix : ce n’est la faute de personne !

Frumence pariait ainsi debout, une main posée à plat sur la table, l’autre sur sa poitrine, sans affectation, mais avec une sorte de loyale solennité. Il me parut transfiguré. Je ne l’avais jamais vu ainsi ; son visage et son attitude étaient magnifiques, et ses yeux brillaient comme deux diamants noirs ruisselants de soleil.

Je fus émue et frappée de son aspect comme