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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/287

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n’aime pas la France ; il a une autre famille, il ne me connaît pas…

— Et moi, il ne me connaît plus ?… Ne me dis pas des choses si dures, ma petite ! On n’oublie pas sa mère. Qu’il vienne ou non, laisse-moi l’illusion. Quand je n’en aurai plus, je mourrai.

Effrayée et attendrie de trouver ce cœur de mère si saignant encore, je dus reprendre mes paroles et feindre de partager ses espérances. Le lendemain, il fut encore plus impossible de songer à la détromper, et, le surlendemain, Jennie ne réussit qu’à raviver la tendresse endormie et à faire couler des larmes que j’eusse payées de mon sang.

— Ah ! Marius, m’écriai-je en retournant auprès de mon fiancé, qui m’attendait au jardin, nous avons fait un crime ! Nous avons voulu nous marier, c’est-à-dire mettre dans la vie de ma bonne maman un événement trop fort pour elle ; nous voilà cherchant le moyen de lui porter un coup terrible pour hâter ses résolutions. Elle en mourra, je te le jure, et c’est nous qui l’aurons tuée !

— Eh bien, répondit Marius sans hésiter, épargnons-lui cette épreuve… Attendons six mois, un an, s’il le faut, c’est-à-dire s’il y a moyen d’empêcher la vérité d’arriver jusqu’à elle. Ce ne sera pas facile, il faudra faire bonne garde, Lucienne !