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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/305

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Il va droit devant lui comme il est. C’était à vous de le juger plus tôt.

Jennie avait raison. J’avais eu des idées fausses sur le bonheur et une notion trop peu élevée du mariage. Je l’avais envisagé comme un contrat de tranquillité pure et simple, non comme l’idéal d’un dévouement réciproque. J’étais punie de mon erreur, puisque j’étais forcée de revenir sur mes pas et de dire à Marius : « Je ne puis t’aimer. » Il eût été en droit de me répondre : « Pourquoi m’as-tu laissé croire le contraire ? »

J’étais humiliée de cette situation, et, par moments, l’orgueil l’emportant sur la vraie dignité, j’aimais mieux tenir ma parole à tout prix que de m’entendre reprocher d’y avoir manqué. Jennie combattit cette mauvaise inspiration. Elle voulait me voir résignée à tout, plutôt que de profaner l’éternelle et entière affection du mariage. Mon âme se relevait au contact de la sienne, mais en même temps mon cœur, que j’avais cru raffermi, se déchirait de nouveau. L’idéal de l’amour reparaissait, et la solitude m’étreignait de son mortel ennui.

Comme Marius attendait les événements, il ne reparut pas de plusieurs semaines, et, comme il ne m’écrivit pas pour me dire qu’il serait à mes ordres dans toutes les hypothèses, je me tranquil-