Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/32

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du village me jeta dans un grand étonnement et dans une sorte d’effroi. La moitié des maisons était en ruine, et le reste était fermé, fermé depuis longtemps ; car la vigne et le lierre avaient poussé sur les portes et sur les fenêtres, et il eût fallu entrer dans ces maisons à coups de serpe. On ne voyait pas une charrette, pas un animal, pas une âme dans la rue.

Comme j’en faisais la remarque à Denise, elle m’apprit que le village était abandonné, et qu’il n’y avait plus que cinq habitants, le maire, le curé et le garde champêtre compris. Or, comme, ce jour-là, le maire était à Toulon et le garde champêtre malade, le curé disait sa messe tout seul dans l’église vide. Quand je dis tout seul, je me trompe : il était assisté de son sacristain, un grand garçon sec et jaune comme lui, lequel n’était autre que M. Frumence Costel, son neveu.

Cette église déserte et ce village abandonné me firent une vive impression, et, comme je n’étais pas dévote, par instinct de réaction contre Denise qui l’était trop et qui m’ennuyait, je ne fis que songer, durant la messe, aux événements romanesques ou terribles qui avaient dû ainsi dépeupler les Pommets. Était-ce la peste qui jadis avait fait de si grands ravages dans nos contrées ? On m’avait parlé de cela, et je n’avais pas beaucoup la