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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/36

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poussai la proposition avec plus d’effroi que de politesse, et, tenant Denise par la main, je m’aventurai sur les escaliers naturels que l’eau commençait à descendre avec un certain bruit. Quand nous fûmes vers le milieu, je crus sentir que Denise tremblait ; je vis ou je crus voir qu’elle me menait tout de travers, parce qu’elle avait le vertige, et, la tirant en sens inverse de toutes mes forces, je faillis la faire tomber.

— Allons, allons, ne vous disputez pas, avancez ! nous cria Frumence, qui marchait derrière nous.

Cet avertissement me fit regarder la rivière en amont. Elle arrivait grossie, troublée, et chassant devant elle un flot d’écume jaune qui allait nous gagner. Denise perdit la tête et me chercha à sa droite, tandis que j’étais à sa gauche ; moi, je ne sais ce que je fis. J’avais grand’peur, et je ne voulais pas le laisser paraître. Peut-être étions-nous en danger, lorsque Frumence passa vivement entre nous deux et saisit Denise par le bras, tandis qu’il m’enlevait comme une plume et m’asseyait sur son épaule comme il eût fait d’un petit singe. Il nous conduisit ainsi au rivage, poussant et chassant devant lui ma nourrice éperdue, et s’occupant fort peu de mon dépit d’être portée comme une toute petite fille, moi qui prétendais être déjà une demoiselle.