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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/41

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trop loin. Je perdais ma journée en allées et venues, et puis… je n’étais pas assez bien mis. On ne paye presque pas un homme qui porte la misère écrite sur son dos. J’ai essayé aussi d’entrer comme maître d’étude dans un collége ; mais il fallait laisser mon pauvre oncle tout seul dans la montagne, et, au bout d’un mois, quand je pouvais m’échapper, je le trouvais si dépéri et en même temps si exalté par la solitude, que je craignais de le voir tomber malade. Il avait pris une servante, avec laquelle il ne s’accordait jamais. L’oisiveté d’une femme qui ne trouve personne à qui parler devient un fléau pour un homme studieux qui n’aime pas qu’on lui parle pour ne rien dire. M. Costel était fort peu sensible à un ménage plus ou moins bien tenu. Il est si habitué à je passer de tout ! Mon absence lui était bien plus pénible que mes petites économies ne lui étaient profitables. Il me l’a dit franchement un beau jour, et j’ai renoncé à le quitter. Je lui sers sa messe, ce qui lui épargne un sacristain ; je soigne sa chèvre et ses poules, je ressemelle ses souliers tant bien que mal, j’ai même appris d’un ancien matelot à recoudre un peu ses manches. Que voulez-vous ! on fait ce qu’on peut, et la pauvreté n’est pas une si grosse affaire que l’on s’imagine !… Mais j’ai trop abusé de la bonté avec laquelle vous m’é-