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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/75

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teur d’une montagne, il n’hésitait pas à dire qu’elle avait douze cents toises quand elle en avait à peine deux cents, et réciproquement il la déclarait petite quand elle était grande. S’il nous donnait des nouvelles de la rade, il nous annonçait l’arrivée et nous citait les noms de navires qui n’existaient que dans son cerveau, ou le départ de ceux qui n’avaient pas quitté le port. Toutes les anecdotes dont il ornait la conversation, toutes les connaissances historiques qu’il se piquait d’avoir, étaient complètement erronées. Je n’ai jamais entendu de nouvelliste plus mensonger. Il avait toujours lu dans le journal des événements extraordinaires dont il n’avait jamais été question, et cela, sans être ni pessimiste ni alarmiste, car il nous annonçait toujours quelque victoire de la grande armée six semaines avant la bataille. Un jour, il soutint au procureur impérial que, par son ministère, il avait fait condamner à mort, la veille, un homme qui avait au contraire été acquitté. Il était présent à l’audience, il avait entendu prononcer le jugement, je ne sais pas s’il n’avait pas vu l’homme sur l’échafaud.

Le plus singulier de l’affaire, c’est que M. de Malaval avait un inséparable ami, M. Fourrières, ancien capitaine de vaisseau, qui avait la cervelle aussi troublée que lui et le même aplomb pour