Page:Sand - Constance Verrier.djvu/131

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absorbée par l’amour filial, je n’avais encore songé ni à l’amour ni au mariage, ou, du moins, j’y avais songé sans objet, me réservant de choisir tard, et quand je me croirais digne de la haute destinée d’épouse et de mère. Mon père mourant prit ma main et la mit dans celle de ce jeune homme. Voilà ton fiancé, me dit-il, celui que je te destinais, et que, depuis plusieurs années, j’éprouve et j’observe. Il est encore trop jeune pour se marier, il n’a que vingt-deux ans, et il a des devoirs à remplir : sa famille est pauvre ; je l’aide à la soutenir et tu continueras. Mais il ne faut pas qu’il s’endorme dans le bonheur sans avoir assuré par lui-même l’existence des siens, il rougirait de nous devoir tout, et comme il ne veut rien nous devoir que de l’affection, il allait partir pour terminer des affaires où une partie de ma fortune, c’est-à-dire de la tienne, se trouve encore engagée. Il partira, et, comme c’est un grand travail que je le prie d’entreprendre, il aura droit à la moitié des bénéfices. C’est sa dot que je lui confie le soin de constituer. Dans deux ou trois ans, il reviendra, non pas riche, mais dans une position honorable, qu’il sera à même de développer ; je sais qu’il t’aime et qu’il a les qualités et les idées qui doivent t’assurer toute la dignité et tout le bonheur possible en ce monde.

« Mon père ajouta : Je ne tiens pas à l’argent et je ne te fais pas un devoir d’y tenir. L’argent d’un honnête homme, dans les affaires, ne représente que son travail et la confiance qu’il inspire. Si les intérêts auxquels j’associe ton fiancé ne remplissaient pas mon