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Page:Sand - Constance Verrier.djvu/80

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« Mais, voyez-vous, le monde est ainsi fait que les meilleures choses nous y créent des dangers, et que nos mérites entraînent presque inévitablement notre perte. Ma jeunesse et mes succès n’étaient pas des attraits sans précédents ou sans analogues ; ma vertu fut un fait remarqué dans ma position et m’attira des poursuites ardentes et passionnées. Tel personnage qui, lors de mes débuts à la Fenice, m’avait accordé une médiocre attention, fut prêt à m’offrir son nom et sa fortune quand, au bout de quelque temps, il fut bien avéré que je n’avais pas d’amants. Ce fut alors une persécution dont vous n’avez pas l’idée. Les vieillards assiégeaient ma vie pour y abriter les restes de la leur ; les libertins cherchaient tous les moyens de me compromettre pour satisfaire leur vanité ; les jeunes gens naïfs se brûlaient la cervelle (en prose et en vers) chaque matin à ma porte. Enfin, je faisais fureur, et il ne tenait qu’à moi d’être princesse ou tout au moins marquise. »

— Vous avez eu bien tort de ne pas profiter de cette belle veine de vertu pour faire un beau mariage, observa la duchesse ; et, avec vos instincts de grandeur, je m’étonne que vous soyez restée Sofia Mozzelli comme devant.

« L’occasion qui eût résumé mes ambitions ne se présenta pas, répondit la Mozzelli ; je ne voulais, à aucun prix, épouser un homme âgé. J’avais pris la vieillesse en horreur, et je lui ai toujours gardé rancune. Je voulais un mari jeune, beau, honnête et de grande