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Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 1.djvu/292

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consuelo.

Quelques jours se passèrent sans qu’Albert donnât par ses manières ou ses discours la moindre confirmation aux affirmations de sa cousine sur le dérangement de son esprit. Mais, un beau jour, le chapelain l’ayant contrarié sans le vouloir, il commença à dire des choses très-incohérentes ; et comme s’il s’en fût aperçu lui-même, il sortit brusquement du salon et courut s’enfermer dans sa chambre. On pensait qu’il y resterait longtemps ; mais, une heure après, il rentra, pâle et languissant, se traîna de chaise en chaise, tourna autour de Consuelo sans paraître faire plus d’attention à elle que les autres jours, et finit par se réfugier dans l’embrasure profonde d’une fenêtre, où il appuya sa tête sur ses mains et resta complètement immobile.

C’était l’heure de la leçon de musique d’Amélie, et elle désirait la prendre, afin, disait-elle tout bas à Consuelo, de chasser cette sinistre figure qui lui ôtait toute sa gaieté et répandait dans l’air une odeur sépulcrale.

« Je crois, lui répondit Consuelo, que nous ferions mieux de monter dans votre chambre ; votre épinette suffira bien pour accompagner. S’il est vrai que le comte Albert n’aime pas la musique, pourquoi augmenter ses souffrances, et par suite celle de ses parents ? »

Amélie se rendit à la dernière considération, et elles montèrent ensemble à leur appartement, dont elles laissèrent la porte ouverte parce qu’elles y trouvèrent un peu de fumée. Amélie voulut faire à sa tête, comme à l’ordinaire, en chantant des cavatines à grand effet ; mais Consuelo, qui commençait à se montrer sévère, lui fit essayer des motifs fort simples et fort sérieux extraits des chants religieux de Palestrina. La jeune baronne bâilla, s’impatienta, et déclara cette musique barbare et soporifique.

« C’est que vous ne la comprenez pas, dit Consuelo.