Page:Sand - Contes d’une grand’mère, 1906.djvu/140

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civilisations luxueuses à deux pas des déserts inexplorables. J’eus donc bientôt gagné les solitudes sauvages des monts Karens, et, quand, à bout de forces, je me couchai sur les bords d’un fleuve plus direct et plus rapide que l’Iraouaddy, nous étions déjà à trente lieues de la ville birmane. Aor me dit :

— Où allons-nous ? Ah ! je le vois dans tes regards, tu veux retourner dans nos montagnes ; mais tu crois y être déjà, et tu t’abuses. Nous en sommes bien loin, et nous ne pourrons jamais y arriver sans être découverts et repris. D’ailleurs quand nous échapperions aux hommes, nous ne pourrions aller loin sans que, malade comme je suis, je meure, et alors comment te dirigeras-tu sans moi dans cette route lointaine ? Laisse-moi ici, car c’est à moi seul qu’on en veut, et retourne à Pagham, où personne n’osera te menacer.

» Je lui témoignai que je ne voulais ni le quitter ni retourner chez les Birmans ; que, s’il mourait, je mourrais aussi ; qu’avec de la patience et du courage, nous pouvions redevenir heureux.