Page:Sand - Contes d’une grand’mère, 1906.djvu/171

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Mais il ne me frappa point. Il avait le bras singulièrement mou et les jambes très lourdes, car on eut beaucoup de peine à équilibrer ses étriers, dont l’un se trouvait alternativement plus long que l’autre.


Je ne sais point ce qui se passa jusqu’à la nuit. Je crois bien que je ronflais tout haut sans que le maître s’en aperçut. Bibi était si raisonnable que j’étais sans inquiétude. Là où il avait passé une fois, il s’en souvenait toujours.


Je m’éveillai en le sentant s’arrêter brusquement et il me sembla que mon ivresse était tout à fait dissipée, car je me rendis fort vite compte de la situation. Maître Jean n’avait pas dormi, ou bien il s’était malheureusement réveillé à temps pour contrarier l’instinct de sa monture. Il l’avait engagée dans un faux chemin. Le docile Bibi avait obéi sans résistance ; mais voilà qu’il sentait le terrain manquer devant lui et qu’il se rejetait en arrière pour ne pas se précipiter avec nous dans l’abîme.


Je fus vite sur mes pieds, et je vis au-dessus de nous, à droite, la roche Sanadoire toute bleue