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Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/169

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pas séparer Bicbette de sa mère. Emmène-la donc, et advienne que pourra.

Catherine emmena Bichette aux champs, et, tout le temps qu’elle y fut, elle la tint sous son tablier pour l’empêcher d’avoir froid. Cela alla bien pendant deux jours ; mais, le troisième, elle se rassasia d’être ainsi l’esclave d’une bête, et elle recommença de jouer et de courir comme auparavant. Bichette ne s’en trouva pas plus mal ; mais elle ne s’en trouva pas mieux non plus et continua d’être un petit avorton.

Un jour que Catherine avait plus songé à chercher des nids dans les buissons qu’à garder ses bêtes, elle trouva vers le soir un nid de merles avec trois gros petits déjà bien emplumés. Ils ne paraissaient guère farouches, car, lorsqu’elle leur montrait le bout de son doigt en imitant le cri de la merlesse, ils ouvraient leurs becs jaunes et montraient leurs larges gosiers tout roses.

Catherine fut si contente qu’elle ne fit que leur parler et les embrasser tout en rentrant ses bêtes, et ce ne fut que le lendemain matin qu’elle s’aperçut d’un grand malheur. Bichette n’était pas dans la bergerie. Elle avait été oubliée dehors, elle avait couché à la belle étoile, sans doute le loup l’avait mangée. Catherine maudit ses merles qui l’avaient rendue cruelle et négligente. Toute son amitié pour Bichette lui revint au cœur, et, tout en pleurant, elle courut au pré pour savoir ce qu’elle était devenue.

C’était alors le mois de mars, le soleil n’était pas encore levé, et sur la mare qui était au milieu du