Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/200

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment de mitraille. Elle eut si grand’peur qu’elle s’enfuit, pensant que le malicieux nuage recommençait à la trahir et à lui rendre le mal pour le bien. Comme elle courait tout éperdue vers la maison, elle rencontra Benoît qui sortait fort tranquillement avec son chien. — Est-ce toi, lui dit-elle, qui as fait ce coup de tonnerre avec ton fusil ?

— Le bruit de tout à l’heure ? répondit-il en riant. Ce n’est ni le tonnerre, ni mon fusil, c’est un lavange.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— C’est la glace qui fond au soleil, qui éclate et qui roule en entraînant des pierres, de la terre et quelquefois des arbres, quand il s’en trouve sur son passage, des personnes par conséquent, si le malheur veut qu’il y en ait qui ne se garent pas à temps ; mais on n’a pas toujours la mauvaise chance, c’est même très-rare, et il faut t’habituer à voir ces accidents-là. À présent que le beau temps est revenu, ça se verra tous les jours, et peut-être à toute heure.

— Je m’y habituerai ; mais puisque te voilà, Benoît, dis-moi donc si tu monterais bien sur la grande dent du glacier, toi qui es un garçon et qui n’as peur de rien ?

— Non, dit Benoît, on ne monte pas sur ces dents-là ; mais j’ai bien été tout auprès et j’en ai touché le pied. Ce n’est pas la saison pour s’amuser à ça, il fait trop chaud, et des crevasses peuvent s’ouvrir à chaque instant.

— Mais pourrais-tu me dire ce qu’on voit par moment de rouge sur la pointe de la grande dent ?